L’amour bannira la crainte.
Heureux l’homme qui est toujours dans la crainte (Pr 28, 14). Crains donc, lorsque la grâce t’a souri, crains lorsqu’elle s’est retirée, crains lorsqu’elle reviendra de nouveau ; c’est cela, être toujours dans la crainte. Que c’est trois craintes se succèdent l’une à l’autre dans ton esprit, selon que tu sentiras les mouvements de la grâce : soit qu’elle daigne se présenter, soit qu’offensée elle s’éloigne, soit qu’apaisée elle revienne à nouveau.
Lorsqu’elle se présente, crains de ne pas agir d’une façon digne d’elle. Si, redevenu propice, elle est revenue, alors il te faut craindre plus que jamais, de peur qu’il ne t’arrive de rechuter, selon cette parole de l’Évangile : Te voilà guéri. Ne pèche plus, il pourrait t’arriver quelque chose de pire. Tu entends combien la rechute est pire que la chute. Si donc le danger augmente, que la crainte augmente elle aussi.
Heureux est-tu, si tu as rempli ton cœur de cette triple crainte : craindre pour la grâce reçue, davantage pour la grâce perdue, beaucoup plus pour la grâce retrouvée. Fais cela, et dans le festin du Christ tu seras une cuve remplie jusqu’au bord, contenant non seulement deux, mais trois mesures ( Jn 2, 6). Ainsi tu mériteras la bénédiction du Christ, qui changera tes eaux en vin de joie (cf Jn 2,9), et l’amour parfait bannira la crainte (1 Jn 4, 18).
ST Bernard DE Clairvaux
Consulté par les princes et les papes, Saint Bernard ( +1153), moine de Cîteaux, a fait rayonner, au XIIe, l’ordre cistercien dans toute l’Europe.